Gad Elmaleh : « Je suis prêt pour l’amour ». À 53 ans, l’humoriste se livre comme jamais dans son nouveau spectacle

À 53 ans, l’humoriste se livre comme jamais dans son nouveau spectacle. Confessions intimes.

Tout est dans le titre : « Lui-même ». Gad Elmaleh y parle sans artifices de ce qu’il ressent, de ce qui l’amuse ou le taraude…

Ce 5 novembre, au théâtre Sébastopol de Lille, ils sont 1 350 spectateurs (dont son ami Roschdy Zem, qui s’est déplacé spécialement pour ­l’occasion) à venir rire aux vannes aiguisées du stand-uper.

Car c’est bien de stand-up qu’il s’agit, cette forme d’humour où le quatrième mur n’existe plus, ce qui permet à l’artiste d’échanger avec le public.

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Gad Elmaleh aime tant le genre qu’il vient ­d’acquérir Chez Michou, le célèbre cabaret transformiste, dont il fera un comedy club début 2025. Le lendemain de la ­représentation, l’humoriste quitte Lille (où il devra retourner en fin de journée), afin de nous ouvrir les portes de son lieu. Nous y finirons l’entretien qui suit, démarré dans le TGV dès potron-minet.

Paris Match. Pourquoi créer un comedy club de plus ?
Gad Elmaleh. Vous pourriez poser cette question à tous les gens qui ouvrent un restaurant alors qu’il y en déjà plein ! Ce comedy club m’inspire de la nouveauté, de la fraîcheur. D’autres artistes investissent dans des restaurants, parce qu’ils sont passionnés par la gastronomie ; moi, c’est le stand-up. Je voulais mon club à Paris. Allez ! Soyons mégalo : je voulais laisser une empreinte. Pas pour qu’elle reste après ma mort, mais qu’elle soit là de mon vivant, apparentée à un lieu où je répéterai et roderai mes spectacles, où j’inviterai les comiques que j’aime et ceux de la nouvelle génération… Il y aura de l’humour, des showcases, des soirées à thème. Et j’y inviterai Chouchou de temps en temps.

Gad Elmaleh : « Je suis prêt pour l'amour »

Voilà trente ans que vous êtes sur scène. Faites-vous partie de ceux qui pensent que c’était mieux avant ?
Tellement pas. Avant, mon métier, je le voyais comme ça [il écarte les bras au maximum]. Aujourd’hui, je le veux comme ça [il rapproche ses mains]. J’ai envie que le texte claque, que ce soit efficace, dans un cadre épuré et avec un timing resserré. Je ne veux plus 14 000 projecteurs sur moi, avec une musique de ouf pour mon entrée en scène, et j’en ai fini avec les shows de 3 h 30. Je ne veux pas dépasser 1 h 20, 1 h 30 maximum. Je ne pense pas qu’on puisse être drôle non-stop plus de 90 minutes. Regardez, au cinéma, les meilleures comédies sont les plus courtes. “Le dîner de cons”, c’est 1 h 20, “Les bronzés font du ski”, 1 h 30.

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« Avant, j’avais une approche du métier plus théâtrale »

Depuis que vous vous êtes produit en 2015 dans des comedy clubs aux États-Unis, vous ne jurez plus que par le stand-up, qui sert généralement à lancer des carrières, pas à les couronner…
Disons que c’est la forme de spectacle qui me convient désormais. Avant, j’avais une approche du métier plus théâtrale, avec toute une histoire, beaucoup de lumières, de la mise en scène, des costumes, des perruques, des accessoires… Maintenant, je suis à poil. Qu’il n’y ait qu’un micro et pas ma tronche sur l’affiche de “Lui-même” raconte tout : je cherche autre chose que montrer ma gueule, et le micro indique que j’ai des choses à dire au public.

La première chose que vous abordez en entrant sur scène, ce sont vos cheveux blancs liés à votre âge…
Jusqu’à il n’y a pas longtemps, je les teignais ou atténuais leur blancheur avec un gel… Et je me suis demandé ce que ça signifiait. Depuis que j’ai arrêté, je me sens tellement mieux, tellement bien dans ma peau du crâne ! Ma tête respire et, du coup, mon esprit aussi. Et si j’en parle immédiatement, c’est parce que je sais ce que le public se demande : pourquoi les cheveux blancs ? C’est la règle du stand-up : dire aux spectateurs des choses qu’ils voient et auxquelles ils peuvent s’identifier. Imaginez un humoriste arriver sur scène avec le nez qui saigne et une dent en moins : il ne peut pas commencer en parlant d’autre chose ! Et puis, pour moi, ouvrir sur ma “nouvelle tête”, c’est une manière de commencer un chapitre beaucoup plus écrit : “J’ai vieilli.”

À l’école, déjà, je me passionnais pour l’Histoire, la macroéconomie et la géopolitique, par exemple. Plus récemment, c’était la théologie, je me suis pris de passion pour la Vierge.

Gad Elmaleh

Dans “Lui-même”, vous dites que vos parents, qui sont toujours là, vous répétaient, petit : “Arrête de faire ton timide !” Ce n’était pas plutôt : “Arrête de faire ton intéressant !” ?
Si, et ça m’humiliait. Ça m’humilie encore aujourd’hui, d’ailleurs. Parce que c’est comme si on me démasquait. Ça souligne une vérité. Pourtant, c’est touchant, quelqu’un qui fait son intéressant : il a envie d’être aimé. Et puis, de fait, c’est intéressant justement ! Le reproche, ce serait : “Arrête de faire ton inintéressant !” Moi, depuis toujours et plus encore aujourd’hui, je m’intéresse à tout, je suis avide de connaissances et de rencontres. À l’école, déjà, je me passionnais pour l’Histoire, la macroéconomie et la géopolitique, par exemple. Plus récemment, c’était la théologie, je me suis pris de passion pour la Vierge. Là, tout le monde est parti en vrille : “Comment ça, tu te convertis ?” Mais, les gars, vous n’avez pas compris : demain, je serai dans un autre délire !

Vous avez toujours voulu être humoriste ?
Oui. Et je suis parti au Canada pour ça. Parce que j’y avais des oncles, des tantes et des cousins qui y vivaient depuis longtemps. Il y a une grande communauté juive marocaine à Montréal. Et puis c’est le Canada, c’est l’Amérique, mais en français. Accessible, quoi ! J’y ai néanmoins appris et pratiqué l’anglais. Je suis né artistiquement en France où j’ai été bien accueilli, gâté même, et je suis plein de gratitude pour ce pays, mais c’est à Montréal que j’ai donné mon premier show. C’était le 10 décembre 1994, dans une salle de vingt ou trente places. Et j’y retourne le 11 décembre prochain pour célébrer la date.

Dans la même salle ? !
Pas vraiment : ce sera au Centre Bell, 10 000 places ! Et c’est complet. Ça va être fou.

Vous racontez sur scène avoir volé une vanne de votre fils. C’était pour aborder les accusations de plagiat dont vous avez fait l’objet ?
Oui, car, en réalité, je n’ai pas volé de vanne à mon fils. Je voulais aborder le sujet avec douceur, sans orgueil ni plainte. J’ai ma part de responsabilité dans cette histoire de plagiat, mais ça représente tellement peu par rapport à tout ce que j’ai écrit. Il y a une vingtaine d’années, pas mal de collègues et moi nous sommes beaucoup inspirés des Américains et leur avons piqué des petites vannes. J’assume. On m’a cloué au pilori pour ça, mais ma carrière n’en a pas pâti et, surtout, cette affaire m’a appris beaucoup de choses sur le métier et sur mes “amis” : ça m’a permis de faire un grand ménage de printemps ! Ce qui n’empêche pas certains humoristes qui m’ont craché dessus de revenir aujourd’hui me demander de faire ma première partie au Dôme de Paris. Ce n’est pas qu’ils n’ont pas de face, ils ont simplement oublié. Ils ne sont pas méchants ou mal intentionnés. Ils ont juste exprimé ce qui leur semblait juste sur le moment.

A la recherche de l’amour

Vous paraîssez porter un intérêt croissant aux nombreux humoristes émergents…
Je ne cherche pas à faire du jeunisme : je m’approche d’eux pour mieux comprendre à quel moment je deviens ringard. Dans les thématiques, dans la façon d’écrire… Comme le dit Jerry Seinfeld : “La comédie, c’est simple, mais ce n’est pas facile.” C’est comme le tennis des années 1980 et celui d’aujourd’hui : c’est le même sport, mais ça joue beaucoup plus vite ! Avant de monter sur scène hier, à Lille, je suis allé au Spotlight, un comedy club. Que ce soit au Red Line à Montpellier, au Paname à Paris ou au Garage à Marseille, je fais ça dans toutes les villes où je me produis : je prends le micro cinq minutes et je joue. Comme un échauffement. Un comique qui ne travaille pas son humour en permanence, c’est comme un sportif qui ne s’entraîne pas. Il faut rester affûté.

Pour vous, quels sont les jalons importants de votre carrière ?
“Salut cousin !”, de Merzak Allouache : mon premier film et mon premier “premier rôle”. Je retrouverai Merzak pour “Chouchou”, un autre carton. Et avant “Chouchou”, il y a “La vérité si je mens ! 2” qui m’a propulsé. Au-delà des 8 millions d’entrées, le film est devenu culte et véhicule encore aujourd’hui une joie populaire. “Chouchou” est la mise en lumière d’un personnage créé dans “La vie normale”, le one-man-show dont on me parle tous les jours. Pas mal de jeunes humoristes me disent même que ça les a motivés pour se lancer – alors que je me suis tellement éloigné de ce genre de spectacle, qui était une suite de sketchs basés sur des gens que j’observais…

La matière première de vos shows, désormais, c’est vous ?
C’est moi, oui, mais moins dans les événements du quotidien que dans l’intériorité, la réflexion sur l’âge, l’inadaptation, la spiritualité. Ce que je vis, quoi ! Quand je dis sur scène : “Je m’aime et c’est réciproque”, je rigole, mais c’est vrai. Je commence enfin à m’aimer. Cela n’a rien de prétentieux ni d’égocentrique. On est bourré d’orgueil quand on ne s’aime pas, on se protège parce qu’on ne sait pas aimer ni comment être aimé. Et on met tout sur le dos de l’autre, surtout dans une relation amoureuse, où, en cas de séparation, c’est forcément la faute de l’autre. Bah voyons ! On a tous notre part de responsabilité. Et là, je suis prêt. Je suis prêt pour l’amour.

Vous vous rendez compte qu’en disant cela ça va se bousculer au portillon !
On verra bien. C’est marrant comment se font les rencontres aujourd’hui. Je me suis même inscrit sur une appli – ne cherchez pas, je n’y suis plus –, j’y ai fait des rencontres parfois étonnantes, superficielles. Il y a eu de petites aventures, de belles amitiés aussi, mais au bout du compte, je trouvais ces relations artificielles. Je suis de la vieille école, moi. J’aimerais aller à un dîner ou à une soirée et flasher sur quelqu’un, créer un lien. Le souci est que je n’aime pas aller à des dîners ou à des soirées ! Il faudrait peut-être que je fasse plus d’efforts.

À l’ère de #MeToo, le célibataire que vous êtes se méfie-t-il quand une femme vous approche ? Dans votre spectacle, vous êtes prêt à faire signer des documents avant de passer à l’acte…
Je ne me méfie pas, mais j’ai conscience que mes mots, mes gestes peuvent être mal interprétés, voire transformés. Après, quand on connaît ses valeurs et qu’on n’a rien à se reprocher, il n’y a pas besoin de se méfier. L’humour et le raffinement spirituel me bouleversent. Je peux tomber amoureux d’une femme ou avoir envie de devenir le meilleur pote d’un homme pour un trait d’esprit. Je ne trouve rien de plus sexy qu’une femme qui a de l’esprit. Comme disent les magazines féminins, je suis un sapiosexuel. L’excitation part d’en haut, pas d’en bas. Je n’ai pas attendu #MeToo pour savoir ce qui était bien ou mal. Le danger de la société actuelle, ce sont les débats où tout est polarisé, où il faut obligatoirement choisir un camp. Que ce soit pour les relations hommes-femmes, le conflit au Proche-Orient, la politique… Est-ce qu’on peut choisir le camp de la paix, de l’humanité, de la nuance ?

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