La Malédiction de la Lambada : Du Vol Planétaire à l’Assassinat Sauvage de la chanteuse de Kaoma

Été 1989. Une vague de chaleur sensuelle déferle sur le monde. Un rythme unique, obsédant, venu du Brésil, fait se déhancher la planète entière. C’est la « Lambada ». Sur les plages, dans les clubs, à la radio, il est impossible d’y échapper. Le clip, tourné à Bahia, met en scène une danse lascive, corps contre corps, et une chanteuse charismatique à l’énergie solaire : Loalwa Braz, la voix du groupe Kaoma.

La chanson devient un hymne à la liberté. Elle accompagne la chute du Mur de Berlin, chantée et dansée dans les rues pour célébrer la réunification. La Lambada, c’est la fin d’une ère de froideur, le retour au contact humain. Mais ce que le public ignore, c’est que ce tube planétaire, symbole de joie et d’évasion, est né d’un mensonge. Un vol pur et simple qui cache une histoire sombre, entachée par la cupidité, et qui s’achèvera des décennies plus tard dans une tragédie d’une violence inouïe.

L’histoire de Kaoma commence en 1988. Deux Français, le cinéaste Olivier Lorsac et le producteur musical Jean Caracos, sont en vacances à Bahia. Ils découvrent le rythme de la lambada et entendent une chanson, « Chorando Se Foi », interprétée par la chanteuse brésilienne Marcia Ferrera. Cette dernière avait, en 1986, légalement adapté une chanson folklorique bolivienne.

Séduits par le potentiel commercial, Lorsac et Caracos décident d’importer le concept en France. Mais ils ne s’embarrassent pas des autorisations. Sans contacter ni Marcia Ferrera ni les auteurs originaux, Lorsac, sous le pseudonyme de “Chico de Olivera”, dépose la chanson à son propre nom dans un bureau parisien. Il la rebaptise simplement « Lambada ».

Pour incarner ce nouveau son, ils forment Kaoma, un groupe multiculturel composé de musiciens antillais, français et de danseurs brésiliens. Pour la voix, ils organisent une audition. Ils cherchent une jeune femme de 19 à 25 ans. Loalwa Braz, alors âgée de plus de 30 ans, se présente. Issue d’une famille de musiciens de Rio, pianiste accomplie et chanteuse de jazz respectée à Paris, elle pulvérise les 20 autres candidates. Son charisme et sa voix puissante deviennent instantanément l’âme de Kaoma.

Le succès est immédiat et colossal. « Chorando Se Foi » (le titre original de la Lambada) se vend à près de 700 000 exemplaires en France en quelques semaines, avant de conquérir le monde. L’album « World Beat » s’écoulera à 15 millions d’exemplaires. Kaoma enchaîne les tournées, jouant dans 116 pays. La Lambada envahit même Hollywood avec deux films sortis le même jour en 1990.

Pendant que le monde danse, un groupe de musiciens boliviens est sous le choc. À des milliers de kilomètres de Paris, les frères Ulises et Gonzalo Hermosa, du groupe Los Kjarkas, reconnaissent leur mélodie. La « Lambada » est une copie carbone, note pour note, de leur chanson « Llorando se fue », sortie en 1981. Un morceau folklorique mélancolique, joué à la flûte de bambou, qui parlait de tristesse et de départ.

« Nous étions choqués, découragés et sans défense », racontera Gonzalo Hermosa. À l’époque, la Bolivie n’a quasiment aucune législation sur les droits d’auteur. Heureusement, certaines de leurs chansons avaient été enregistrées en Allemagne. C’est ce qui leur permettra d’attaquer les producteurs français en Europe.

En 1991, le verdict tombe. La justice française donne raison à Los Kjarkas et à Marcia Ferrera, qui s’était jointe à la plainte. Les producteurs de Kaoma sont condamnés pour plagiat. Loalwa Braz elle-même, dans une interview bien des années plus tard, sera sans appel : « Ce n’était pas un plagia. C’était pire que ça. C’était du vol pur et simple. » Les frères Hermosa recevront 6 millions de dollars de royalties. Mais le mal est fait. « Nous en avons assez de la lambada. Nous voulons qu’elle soit oubliée, car elle ravive une douleur », déclareront-ils. Ulises Hermosa décédera d’une leucémie peu de temps après, en 1992.

Le scandale entache la réputation de Kaoma. Le groupe sortira d’autres albums, mais la magie est rompue. La vague Lambada retombe aussi vite qu’elle était montée.

Lambada singer Loalwa Braz found dead in Brazil - BBC News

Pour Loalwa Braz, la chanteuse qui avait donné son âme à cette chanson volée, le succès laisse un goût amer. Sa vie, même au sommet de la gloire, n’a pas été le conte de fées que le public imaginait. En 2015, dans l’une de ses dernières interviews, elle fait une révélation glaçante : elle a été kidnappée et torturée. Elle refuse de donner les détails, disant simplement que c’était « à cause de l’argent ».

Elle se plaint aussi ouvertement de la cupidité de certains membres de Kaoma, visant sans les nommer les producteurs français. La star qui a fait gagner des fortunes vivait dans un climat de peur et de ressentiment.

Après des années passées entre la France et le Brésil, Loalwa avait décidé de se poser. Elle avait acheté une petite auberge à Saquarema, sur la côte de l’État de Rio de Janeiro, pour y finir ses jours paisiblement, tout en luttant contre un cancer.

C’est là que le destin, dans une ironie macabre, la rattrape. Le 19 janvier 2017, le monde apprend la nouvelle atroce. Le corps de Loalwa Braz, 63 ans, a été retrouvé calciné à l’intérieur de sa propre voiture, près de son auberge.

L’enquête révèle une histoire sordide, un écho tragique à la cupidité qui a lancé sa carrière. Les assassins sont trois jeunes hommes. L’un d’eux, Wallace de Paula Viera, est un employé de l’auberge. Il connaît Loalwa. Il a planifié le cambriolage.

Le mobile ? Dans l’auberge, Loalwa Braz exposait fièrement les 80 disques d’or et de platine reçus durant sa carrière. L’employé, dans une ignorance tragique, était persuadé qu’ils étaient en or massif. Il a convaincu ses complices de voler ce trésor imaginaire.

En pleine nuit, ils pénètrent dans l’établissement. Ils volent les disques, divers objets et près de 3 000 dollars. Mais Loalwa se réveille et tente de résister. Les agresseurs la frappent violemment avec un morceau de bois. Puis, pour se débarrasser d’elle, ils la traînent, inconsciente, jusqu’à sa propre voiture, et y mettent le feu.

L’icône mondiale, la voix qui avait fait danser des milliards de gens sur un rythme de joie, meurt seule, brûlée vive par son employé, pour des disques dont la valeur n’était que symbolique. Les trois assassins seront rapidement arrêtés et condamnés, l’employé écopant de 37 ans de prison.

L’histoire de la Lambada est celle d’une double tragédie. Une chanson joyeuse née d’un vol, et une artiste solaire consumée par la violence et la cupidité. De l’appropriation sans scrupules des producteurs français à l’avidité meurtrière d’un employé ignorant, Loalwa Braz a été, du début à la fin de son succès, une victime. Aujourd’hui, quand on réécoute la Lambada, il est difficile de ne pas entendre, derrière le rythme festif, le cri d’une artiste brésilienne trahie et le silence tragique de sa fin.

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