Le 26 septembre, Pierre Perret – véritable monument de la chanson française – est apparu sur le plateau de Télématin à l’occasion des 70 ans de sa carrière. Des premiers pas sur scène aux refrains devenus intemporels, des éclats de rire aux blessures discrètes, le chanteur a livré ses confidences.
Mais ce que le public attendait surtout, c’était sa réponse à une question : pourquoi a-t-il cessé de se produire sur scène ?
« On aimerait vous revoir en concert. Est-ce définitivement terminé ? » demande Samuel Ollivier. Pierre Perret avoue : « J’ai arrêté il y a un an et demi à peu près. » À la question « Pourquoi ? », il répond sans détour : « Je ne sais pas… C’est par respect du public. Je me dis : le jour où tu vas commencer à devenir ramollo, si un jour tu perds tes légumes, là ça ne va plus… »
Dans ses mots, transparaît la peur du temps qui passe : perdre la mémoire, perdre la verve, perdre la vivacité qui a toujours fait sa force. Pourtant, il admet dans un éclat de rire qu’il n’a jamais reçu autant de propositions de concerts et de sollicitations qu’aujourd’hui.
Né en 1934 à Castelsarrasin, Pierre Perret a grandi dans le café de ses parents, où il s’est imprégné du parler populaire, des images tendres et cruelles de la vie. C’est là qu’il a façonné son style unique : des chansons drôles, satiriques, mais aussi engagées et poétiques.
Parmi ses titres les plus marquants, Lily (1977), véritable hymne contre le racisme, est encore aujourd’hui étudié dans les écoles. À l’inverse, Le Zizi fit scandale avec son humour sur l’éducation sexuelle, au point d’être censuré à la radio et à la télévision. De même, Les jolies colonies de vacances fut interdit de diffusion à l’époque gaulliste pour une simple allusion jugée choquante. Pierre Perret en sourit encore : « J’ai été censuré toute ma vie ! »
Un parcours aussi long n’a pas été sans épreuves. À la suite d’une grave infection pulmonaire, l’artiste a frôlé l’arrêt cardiaque et a dû mettre sa carrière en suspens. Cette période d’isolement, marquée aussi par des difficultés dans sa vie privée, aurait pu mettre un terme à son aventure musicale. Mais il est revenu, encore plus déterminé, prouvant que rien ne pouvait entamer sa créativité.
Marié depuis 1962 à Rebecca, son grand amour et soutien indéfectible, Pierre Perret a toujours mis en avant le rôle essentiel de son épouse. Elle a été bien plus qu’une compagne : son alliée, sa conseillère, celle qui a veillé sur lui dans les moments de doute comme dans les instants de gloire. Ensemble, ils ont élevé trois enfants, et ce socle familial reste l’un des piliers de son équilibre.
Même s’il ne monte plus sur scène, Pierre Perret n’a pas cessé de travailler. Ses chansons récentes, comme celles de l’album Une vie d’humour et de tendresse, montrent qu’il garde la plume alerte et l’envie de commenter le monde. Il s’intéresse aux sujets de société, aux injustices, aux libertés menacées, sans jamais perdre son humour ni sa tendresse.
Ce qu’il redoute par-dessus tout, c’est de décevoir : « Je ne voudrais pas que la dernière image de moi soit celle d’un vieux monsieur qui perd ses mots, qui tombe… Je ne le supporterais pas, car le public ne mérite pas ça, surtout ceux qui m’aiment. »
À 91 ans, après 70 ans de carrière, Pierre Perret reste l’un des derniers géants de la chanson française. Ses refrains populaires, ses textes malicieux, son engagement constant contre l’injustice ont marqué plusieurs générations.
S’il a décidé de quitter la scène, ce n’est pas une fin, mais une façon digne de préserver l’image d’un artiste resté fidèle à lui-même. Car pour ses admirateurs, Pierre Perret n’a pas besoin d’être sous les projecteurs pour continuer à exister : il fait désormais partie de leur mémoire collective, de leur vie quotidienne, de leur patrimoine affectif. Et même sans concerts, il restera toujours « le Pierrot » qu’ils aiment, avec sa malice, sa poésie et sa liberté.